A History Of Violence,
de David Cronenberg
USA, 2004
1h35
Synopsis :
Tom Stall mène une vie paisible dans une petite ville avec des enfants tranquilles, une femme tendre et qui l‘aime tendrement. Un jour alors qu’il est victime d’un braquage dans son restaurant, il abat les deux malfrats qui le menaçaient lui et ses clients avec un certain talent. Il est devient un héros et il parait à la une de tous les journaux. Mais alors que tout semble aller mieux, un mystérieux Carl Fogarty débarque et prétend que Tom s’appelle Joey Cussack et qu’il a eu des litigieux avec lui à Philadelphie. Tom nie tout mais Fogarty et ses « amis » se font plus menaçants envers Tom et sa famille. Fogarty s’avère être un gros caïd de Philadelphie. Fogarty dans une tentative de forcer Tom à le suivre trouve la mort encore grâce aux mystérieux talents de ce dernier qui s’avère bien être Joey Cussack, ancien tueur un peu fou qui avait pris soin de ne dévoiler son passé a personne et qui dans le passé a visiblement contrecarré les plans de son frère lui aussi gros caïd de Philadelphie. Tom/Joey va être contraint de tuer son frère, visiblement décider à le faire trépasser. Tom rentre chez lui où il semble que sa petite vie tranquille retrouvera son cours avec plus ou moins de différences…
Présentation des personnages :
- Tom Stall / Joey Cussack (Viggo Mortensen), c’est un honnête patron de restaurant dans une petite ville du fin fond des Etats-Unis . Sa vie de famille est on ne peut plus calme et paisible, un peu le symbole du rêve américain comme le souligne Fogarty ironiquement. Sa vie bascule le jour où dans des gestes professionnels et avec une froideur apparente il abat deux braqueurs dans un geste pur de légitime défense. Il exécutera à trois reprises des actions de ce type avec une violence et un sang froid inouï. Il s’avère être en fait un ancien tueur limite sadique : Joey Cussack. Ses motivations pour changer de vie restent assez floues, il dit qu’il lui a fallut trois ans dans le désert pour se débarrasser de Joey, est-ce de la prison, une fuite ? On ne sait pas vraiment en fait mais toujours est il qu’il a reconstruit sa vie grâce à l’amour de sa femme Edie même si il lui a caché à elle et à tous la vérité sur son ancienne identité.
- Edie Stall (Maria Bello), c’est la femme de Tom, elle est avocate. C’est une mère attentive et très aimante envers son mari. C’est aussi une femme aux mœurs sexuels très libérés. Sa vision de Tom change du tout au tout lorsqu’elle découvre qu’il est vraiment ce qu’il prétendait ne pas être. Elle conserve malgré tout son amour pour lui, même si leur relation restera a jamais bouleversée.
- Carl Fogarty (Ed Harris), gros caïd de Philadelphie a qui Tom/ Joey a visiblement percé l’œil au moyen d’un fil de barbelé dans son passé de tueur. Fogarty en conserve les séquelles physiques ainsi qu’une forte dent contre Tom. Il le retrouve grâce a son action contre les braqueurs et tente par la pression et des moyens plutôt convaincant de « l’emmener faire un tour ». C’est un homme froid qui aime à jouer avec les nerfs pour mieux faire craquer les gens. Il trouve la mort tué par le fils de Tom lorsqu’il tentait de tuer ce dernier.
- Richie Cussack (William Hurt), le frère de Tom / Joey. Il est également un gros caïd de Philadelphie qui a perdu toute les faveurs des parrains mafieux après que son frère est entreprit d’arracher l’œil d’un des gros bonnet. Il en veut à son frère de l’avoir ridiculisé et de lui avoir coûté tant d’argent pour que lui puisse se faire bien voir des parrains. Après l’avoir « invité » Tom / Joey dans son immense demeure il tente de l’assassiner. Bien mal lui en prend puisque lui et ses quatre hommes de main le payeront de leur vie.
- Jack Stall (Ashton Holmes), le fils de Tom. Ado d’une quinzaine d’années un peu pessimiste, il subit les brimades d’un des élève de son lycée qu’il envoie balader a coup de « vannes ». La découverte de la véritable identité de son père va bouleverser son monde. Il semble posséder les « dons » de son père puisque lorsque d’un passage à tabac de son « tortionnaire» il réussi à l’envoyer à l’hôpital. Il sauve la vie de son père en tuant Fogarty et en garde un grand traumatisme.
Mise en scène :
Les points forts de la mise en scène sont dans les scènes ultra violentes où Tom fait usage de son talent de tueur. Les scènes de ce genre démarrent par un plan d’ensemble où l’on aperçoit presque tous les personnages présents puis lorsque Tom se met à assaillir un malfrat la caméra se colle près du corps, dans l’action et suit Tom a chacune de ses attaques. Parfois la caméra se concentre très brièvement sur un détail de l’action comme lorsque Tom reçoit un couteau dans le pied de la part d’un des homme au sol, la caméra sa fixe sur l’homme, ou alors lorsque la caméra filme les cadavres souvent très très amochés des hommes au sol. Les scènes de ce genre finissent par un plan d’ensemble pour mieux souligner l’étendue de « l’oeuvre » de Tom. Cette manière de filmer près du corps nous plonge directement dans l’action, on est captivé par la rapidité époustouflante de la caméra et de Tom dans les scènes de ce genre qui ne prennent finalement que très peu du film, pas plus de cinq minutes, elles n’en sont que plus efficaces.
La caméra souligne aussi parfaitement les émotions des personnages, leur détresse ou leur inquiétude, tout cela au moyen de plans rapprochés comme si l’on gardai une certaine distance par rapport aux personnages tout en étant finalement assez proche d’eux, un effet de semi distance qu sert les intérêts du film puisque on garde cet impression de ne pas tout connaître des personnages, et comme leurs émotions et visions des choses varient pas mal dans la film, le spectateur n’est pas déboussolé par ces revirements de situations, on y adhère parfaitement.
Les scènes d’amour entre Tom et Edie qui sont un aspect assez important du film sont filmées a la manière des scènes de violences avec plus ou moins de nuances. La première scène de ce genre est plutôt la réalisation d’un fantasme entre Tom et Edie, la caméra s’attarde peu mais assez quand même sur les expressions satisfaites des personnages et l’on suit la chose sans se contenter de ça, la caméra colle au corps des deux personnages comme si nous étions plus ou moins participants, c’est assez inattendu mais la scène renforce en nous les liens de Tom et Edie. La seconde scène de ce genre se situe après qu’Edie ait découvert la véritable identité de Tom, ce qui la dégoûte passablement. La scène est très brutale, plus violente. Elle se situe dans les escaliers de la maison et Tom tente de rattraper Edie ce qui la fait chuter, elle tente de se dégager mais se jette finalement sur Tom pour l’embrasser, la aussi la caméra colle à l’action, les gestes sont plus durs, plus secs que dans la première scène et la caméra capte des parties de leurs corps, jamais on ne les voie totalement en entier. C’est presque plus une scène de violence que d’amour tant l’action est rapide et vraiment se sont plus des coups que les gestes d’amours de la première scène, quelque chose a changé.
Les éclairages sont parties intégrantes du film, tantôt très sombres pour les moments de noirceur des personnages, tantôt très lumineux dans les instants de bonheur ou de retrouvailles. La lumière divise Tom en deux parties dans les instants de doute ou d’inquiétude comme si Tom et Joey s’affrontait Tom étant le côté clair et Joey le côté noir.
La musique est un élément ici presque secondaire du film bien qu’elle soit pour pas mal dans les scènes d’actions. Pendant ces scènes la musiques est toujours instrumentales, le tempo s’accélère et les pulsations sont plus marquées comme si elles se fondaient avec les battements de cœur de Tom. La musique renforce le côté rapide et violent des scènes, le souligne . La musique s’efface presque du reste du film sauf dans les moments de tension, de « suspens » où elle la aussi elle sert à souligner ces côtés un peu angoissant, la tension du spectateur en est accrue et pour le fait ce dernier adhère totalement a ces moments la. Dans le reste du temps on privilégie les fonds sonores comme les voitures où les bruits du dehors qui renforcent les silences.
Analyse des thèmes du film :
Cronenberg tente dans ses films de démontrer qu’il y a en tout être humain une part d‘animosité, une part d’instinct plus bestiale que humaine qui prend parfois le dessus sur l’homme et c’est un des thèmes principaux de History Of Violence en fait. Tom est la partie humaine du personnage tandis que Joey en est la partie bestiale, enfouie en lui. Il tente de la supprimer mais elle reprend le dessus lors de l’attaque des malfrats dans son restaurant, il n’agit plus comme un homme mais par instinct comme un animal qui a peur. Ce côté de sa personnalité est bien retranscrit dans les scènes de violences et de sexe, tout du moins pour la seconde ou la brutalité remplace les gestes d’amour. Il refuse de l’admettre et le spectateur ne sait pas si il est vraiment Joey Cussack ou bien Tom Stall. Il est en fait un habile mélange des deux, mais Joey revient vraiment dans la scène où Fogarty a à porté de tir Tom/Joey qui se trouve sans défense. Tom/ Joey prononce alors ces mots : « J’aurais du te tuer à Phily (Philadelphie) ». Tom admet enfin que Joey n’est pas mort et le tout se précise quand Il doit l’avouer à Edie, il pensait avoir tué Joey un ancien tueur un peu allumé mais il existe bel et bien et aujourd’hui il refait surface. Dur vérité que visiblement Tom se résigne à accepter même si Edie le fuit. La « transformation » en Joey prend tout son sens dans la fin du film quand son frère, caïd de Philadelphie le prie de venir. Dans toute cette partie du Film il n’est plus Tom mais vraiment Joey Cussack. Et même si il tente le dialogue , face aux menaces de son frère Richie, il finit par tuer de manière effrayante et d’une violence exceptionnelle tout les gardes du corps puis Richie lui-même.
Les scènes de tueries sont toutes d’une violence incroyable d’ailleurs, Cronenberg n’hésite pas à filmer les blessures infligés aux morts : nez éclaté, thorax perforé de plomb, ou autres morts baignant dans leur sang. C’est assez dur mais nécessaire comme pour mieux souligner les conséquences horribles de l’emploi de la violence et j’irai même plus loin en ajoutant que History Of…. Est un film anti-violent. Si Tom l’utilise c’est vraiment qu’il n’a aucun autre moyen, il y est contraint tout simplement et les conséquences sont terribles autant physiquement que dans l’esprit de sa famille, de ses proches…
Le film est une ode contre la violence et ses justifications qui ne semblent être que plaisir et vengeance dans le cas des « méchants ». Cronenberg a réussi dans History of… a souligner ses aspects sans que cela soit trop explicite ce qui ferait basculer le film dans un genre qui n’était pas le sien à la base. Cette stigmatisation de la violence est perceptible dans Orange mécanique de Stanley Kubrick même si elle est montrée d’un autre façon où la violence devient un jeu, un passe-temps terriblement grisant pour le héros qui finalement perd tout et finit a moitié handicapé. Kubrick filme les scènes de violences d’une autre manière plus général comme un ensemble mais le thème reste le même dans l’idée principale : faire de la violence une chose négative et pourtant fatale. La fatalité de la violence revient dans la résolution du film où Tom/Joey résout son problème par la violence mais ici elle devient fatale : il doit forcément tuer Richie pour vivre plus tranquillement, de plus Richie tente de le tuer également. Même si ses problèmes sont résolus dans le sens où plus personne en viendra tenter de les tuer lui et sa famille, sa famille justement a du mal à le réintégrer d’autant quelle aussi a du recourir a la violence et qu’elle en a souffert. Je prend pour exemple le fils Jack qui a du abattre Fogarty pour sauver son père, c’est une chose horriblement traumatisante pour adolescent. Il en veut à son père pour l’obliger à réagir ainsi en fait.
Cronenberg montre aussi le côté héréditaire de la violence, toujours avec Jack qui détruit totalement avec une brio incroyable un élève tortionnaire et terriblement stupide. Jack l’envoie à l’hôpital salement amoché. Cycle de la violence : La violence engendre la violence. Poussé plus ou moins par les exploits de son père, Jack n’hésite pas à infliger une correction a son tortionnaire.
La violence détruit les hommes certes mais leur familles aussi en prend un coup. La vie paisible de Tom est compromise par toute cette histoire. La toute fin du film véhicule un message de pardon puisque symboliquement la fille de Tom vient dresser le couvert pour son père qui vient de rentrer de sa tuerie. Il est de nouveau accepter à table en tant que membre de la famille. Jack aussi semble plus compréhensif puisqu’il passe la nourriture à son père. Sa femme ne bouge pas, n’effectue pas le moindre geste. Elle est résignée à se borner dans son refus d’accepter de nouveau Tom qui lui a menti sur sa véritable identité.
Le couple détruit par la violence est un thème du film ou comment une relation débordante d’amour et de passion va se transformer petit à petit en un conflit qui le déchire. Edie refuse de comprendre Tom, ce qui est compréhensible. La décadence de leur relation peut être figuré par deux scènes soit quand tout va bien et quand tout va mal. Ce sont en fait les deux scènes d’amour décrites dans la partie mise en scène. L’une est affectueuse, tendre et « souple » : tout va bien. La seconde est dur, violente et les gestes sont plus « secs » : tout va mal.
Dans History Of… Cronenberg réussi un véritable tour de force en insérant dans ce film nombre de valeurs et de sens profond. Les images sont superbes et donnent à ce film une esthétique incroyable et très plaisante à regarder. Il ressort de ce film un petit chef d’œuvre qui n’a malheureusement rien ramassé comme prix à Cannes, dommage il les mérite tout autant si ce n’est plus que les autres films présentés en 2005…
David Cronenberg :
Canadien, il est le fils d’une prof de piano et d’un journaliste. Il réalise d’abord trois courts métrages alors qu’il est étudiant en littérature à Toronto. Il tourne son premier long métrage à 27 ans : Crimes of the future. Il tourne dans les années 70 des téléfilms avant d’être reconnu en tant que cinéaste culte parmi les fan des films d’horreur avec une série de longs métrages tels que Frissons, Rage ou encore Chromosome 3. Il gagne de l’estime de la part des critiques avec Vidéodrome en 1983 puis avec Dead Zone. Il gagne un statut de maître l’horreur avec son film La mouche puis il réalise en 1988 Faux-semblants . En 1991 il porte à l’écran un roman réputé inadaptable Le Festin Nu de W. Burroughs. Il tourne ensuite M. Butterfly en 1991. Il gagne le prix spécial de Jury à Cannes en 1996 avec son film Crash. Il tourne en 2002 eXistenZ puis Spider qui gagnera un succès critique mais qui fera un flop dans les salles de cinéma…